Artistes et institutions : quand la créativité locale invente de nouveaux formats

Impossible de parler collaborations inédites sans mentionner le Festival International d’Opéra Baroque de Beaune. Cette année, pour ses 41 ans, le festival a franchi un cap en conviant des artistes plasticiennes locales à revisiter les décors des opéras, donnant naissance à une scénographie conçue à six mains avec la costumière Lucie Marchand et la sculptrice Éliane Picard. Ce croisement des disciplines, nouvellement initié en 2023, a injecté une dose de modernité sur scène et dans les coulisses – les spectateurs, eux, se sont retrouvés face à des décors mêlant textiles recyclés et matériaux naturels glanés dans les forêts environnantes (source : ).

• Plus de 5000 spectateurs ont ainsi découvert ces créations hybrides et écologiques cette année – une progression de 16 % par rapport à l’an dernier, preuve de l’impact d’une formule renouvelée (statistiques communiquées par l’organisation du festival).
• À noter aussi : l’apparition des parcours backstage, où les membres du public, petits groupes guidés par les artistes eux-mêmes, plongent dans les étapes de création. Cette proximité renforce la relation public-artiste et fidélise un public jeune (16-25 ans), dont la fréquentation a plus que doublé sur les dernières deux éditions.

Au fil des mois, d’autres institutions ont osé convier artistes et collectifs à transformer des lieux patrimoniaux en laboratoires vivants. Dernier exemple en date : le Musée des Beaux-Arts de Beaune, qui a accueilli pour la première fois en mars 2024 un projet collaboratif majeur avec l’École d’Art du Beaunois. L’idée ? Laisser carte blanche à une promotion d’étudiants pour réinventer la médiation autour de la collection Renaissance.

• Neuf dispositifs interactifs conçus en trois mois mêlent créations numériques, mapping vidéo, et performances éphémères – à mi-chemin entre la visite guidée et l’expérience sensorielle. Résultat : la fréquentation du musée a bondi de 22 % pendant la durée de l’expérimentation, soit près de 2 800 visiteurs supplémentaires (source : mairie de Beaune).
• La médiathèque municipale a aussi emboîté le pas : elle a lancé "Livres en scène", invitant des écrivain·es beaunois·es à animer des lectures musicales dans des chais, sur les marchés ou dans les jardins partagés, rapprochant le livre… du quotidien de chacun.

La dynamique collaborative ne se limite pas à des partenariats durables ; l’éphémère et la spontanéité ont aussi le vent en poupe. À la faveur du festival Vivez l’Art !, une centaine d’élèves du collège Jules-Ferry ont co-imaginé – guidés par des street-artistes comme Simon Prunier et la calligraphe Djamila Belhadj – la fresque éphémère "Beaune s’écrit dans la rue" sur les palissades d’un chantier du centre-ville. L’action, soutenue par la Ville et la DRAC, illustre ce tissage inédit entre institution scolaire, politiques publiques et artistes de la scène urbaine bourguignonne (source : ).

• Ce projet a touché près de 1200 visiteurs le temps d’un week-end, et a été documenté par les élèves eux-mêmes (podcasts et vidéos visibles sur le site du collège), donnant un prolongement numérique à la démarche.
• Dans la foulée, la Maison des Associations a noué un partenariat expérimental avec la troupe Les Artisans du Son pour proposer des résidences flAsh, où des concerts décalés se montent en moins de 48 h dans des tiers-lieux du Beaunois, chamboulant la temporalité habituelle des programmations.

Impossible d’évoquer le Beaunois sans parler viticulture ! Les institutions vigneronnes innovent en ouvrant leurs caves et leur histoire à des formes artistiques inattendues. Le printemps 2024 a vu le lancement des "Balades Sonores en Vignes" : une collaboration entre la Maison Joseph Drouhin, le compositeur Pierre-Yves Macé et l’artiste sonore Cécile Le Prado.

• Des compositions originales, mêlant chants d’oiseaux automatisés et récits vignerons, diffusées in situ dans les Clos, offrent aux randonneurs et amateurs de vin une immersion sensorielle inédite (source : ).
• L’initiative, la première du genre à Beaune, s’inspire du Land Art et entend s’installer durablement, avec des rendez-vous nocturnes couplant dégustation et écoute, déjà sold out pour l’été 2024.

Plusieurs collectivités locales favorisent l’implication directe des citoyens, brouillant les frontières entre public et artiste. La Compagnie du Chat Perché, soutenue par le programme Cité Éducative, a transformé un parking désaffecté du quartier Saint-Jacques en agora poétique grâce à des ateliers d’écriture menés avec les habitants, petits et grands. L’œuvre finale ? Un recueil mural de poèmes “Vivre ici”, fruit de la participation de 87 riverains. Ce projet, salué lors des Assises régionales de la Culture 2023, est cité comme exemple d’un renouveau de la démocratie culturelle locale (source : Agence régionale Culture & Territoires Bourgogne-Franche-Comté).

• À la clé, la reconversion de l’espace en aire semi-pérenne d’exposition, qui a doublé la fréquentation du site depuis la réalisation (données Ville de Beaune).
• Un impact sur la cohésion sociale, avec la mise en place de groupements d’habitants pour la gestion de micro-événements culturels sur ce même site.

• Festival Les Nuits du Mont-Batois (juin 2024) : spectacle mêlant musique électronique, mapping architectural et projection de films d’archives du patrimoine beaunois, en partenariat avec la Cinémathèque Régionale de Bourgogne. Une page d’histoire locale réinventée en direct.
• Projet "Résonances Singulières" : résidence d’artiste mixant photographie argentique et composition sonore dans les hôpitaux de Beaune, avec la participation du Centre Hospitalier et de l’association Nerveux Créatifs. Ces créations nées entre patients, soignants et artistes seront exposées à l’automne 2024.
• Le Marché Poétique (tous les premiers samedis du mois, place Carnot) : scène ouverte permettant aux poètes locaux et dessinateurs itinérants, repérés via les ateliers des bibliothèques partenaires, d’investir l’espace public. Près de 400 personnes attendues à chaque session, selon l’organisation.

Ce qui marque, dans le Beaunois, c’est la capacité à fédérer des énergies parfois très différentes – vignerons, directeurs de musée, graphistes, conteurs, spectateurs – autour d’initiatives à la fois ancrées et ouvertes. D’autres territoires observent de près cette vitalité collaborative : ainsi, le tout récent Réseau Bourgogne Art et Patrimoine mentionne Beaune dans son palmarès des “territoires pilotes de la coopération artistique régionale” (dossier publié en février 2024), tandis que la Région Bourgogne-Franche-Comté mobilise de nouveaux financements européens pour soutenir ces formes hybrides et participatives dès l’automne 2024.

Ces collaborations inédites témoignent d’un désir partagé d’inventer des formats sur-mesure, de faire dialoguer histoires individuelles et patrimoine collectif, pour toucher des publics toujours plus larges – et parfois inattendus. Le Beaunois donne à voir un laboratoire d’idées qui n’attend qu’à être exploré… et pourquoi pas, à inspirer ceux qui passeront par là !