Les confréries bourguignonnes : Gardiennes vivantes des traditions gourmet et viticole

26 octobre 2025

Petit lexique des confréries : quand tradition rime avec convivialité

Avant de lever le voile sur quelques-unes des plus emblématiques, pause sur le mot “confrérie”. Ici, on parle d’associations, souvent centenaires, nées pour préserver une spécialité du terroir, une pratique agricole ou un produit d’exception. Costume d’apparat, cérémonial bien rôdé, intronisations et repas festifs : tout un rituel théâtral pour magnifier la richesse bourguignonne.

  • Leur mission : sauvegarder des savoir-faire parfois fragiles, promouvoir des produits, et surtout transmettre avec passion.
  • Leur force : fédérer aussi bien vignerons, restaurateurs, artisans que passionnés du goût, au sein d’une même famille.

Près de cent confréries recensées rien que pour la région Bourgogne-Franche-Comté (sources : Conseil régional) : ça en dit long sur l’attachement aux traditions !

Des capes et des crus : les confréries viticoles, fières ambassadrices du vin bourguignon

La Confrérie des Chevaliers du Tastevin : emblème bourguignon au rayonnement mondial

Créée en 1934 au cœur du Château du Clos de Vougeot, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin est sans conteste la plus célèbre des sociétés vineuses bourguignonnes. Pas besoin d’être né sous les vignes pour la rejoindre, mais un amour sincère pour la Bourgogne et ses nectars est indispensable. Aujourd’hui, elle réunit plus de 12 000 membres dans une trentaine de pays (sources : Confrérie des Chevaliers du Tastevin).

  • Rituel d’intronisation savoureux : cape noire, médaille en forme de tastevin, discours théâtral et serment d’amour au vin de Bourgogne !
  • La fameuse “Paulée” : immense banquet où pointent chaque année des chefs cuisiniers étoilés, vignerons et figures du spectacle autour des meilleurs crus.
  • L’Ordre du Tastevinage : sélection et promotion des vins d’exception lors de cérémonies solennelles. À chaque session, près de 250 à 350 vins sont “tastevinés” et seuls 30-35 % décrochent la fameuse médaille (source : La Revue du Vin de France).
  • Fête viticole : la Saint-Vincent tournante, que tout amateur de vin rêve d’avoir vécue au moins une fois, organisée en alternance avec d’autres confréries locales.

Les sociétés de Saint-Vincent : du village à la grande fête

Impossible d’évoquer la Bourgogne sans saluer la figure de Saint Vincent, patron des vignerons ! Chaque village ou quasi, a sa confrérie de Saint Vincent. Dès le XIXe siècle, elles jouaient déjà un rôle social, d’entraide et de défense de la profession.

  • Chaque janvier, la Saint-Vincent tournante fait défiler bannières et statues dans les rues décorées, de Gevrey à Meursault, en passant par Chablis. On estime que plus de 70 villages se mobilisent à chaque édition, attirant parfois jusqu’à 80 000 visiteurs (source : Le Bien Public).
  • Cérémonies religieuses, dégustations sous chapiteaux, chansons bachiques : ici, la ferveur prend des airs de kermesse villageoise autant que d’hommage à la terre.

Traditions à table : les confréries du goût et des mets typiques

La confrérie de la Moutarde de Dijon : senteur et histoire vinaigrée

Parmi les dames du goût, la Confrérie de la Moutarde de Dijon se distingue par son attachement à un produit indissociable de la table bourguignonne. Fondée en 1981, on la reconnaît à son habit jaune vif et ses embrassades truculentes.

  • Elle milite activement pour la défense de la fabrication traditionnelle, utilisant du graine locale (plus de 13 000 tonnes annuelles produites en Côte d’Or dans les années fastes, avant la crise de 2021, France Bleu).
  • Chaque année, la fête de la moutarde (mai) accueille animations, concours de recettes, et initiation aux “joutes de l’onctuosité” !

La confrérie de la Gougère : la petite dernière au succès grandissant

Qui dit apéritif bourguignon pense… gougère. Véritable emblème du partage ! Créée en 2006 à Flogny-la-Chapelle, la Confrérie de la Gougère ne manque jamais une occasion de défendre ce petit choux au fromage cuit au four, si goulu chez les vignerons.

  • Partenaire des fêtes gourmandes, des salons et des marchés, la confrérie multiplie dégustations et records. En 2019, une gougère géante de 62 kg et 2,30 mètres a été réalisée (source : France Bleu Auxerre).
  • L’intronisation se fait à “croquer la gougère”, ni plus ni moins !

La fraternité du pain d’épices : douceur du palais, valeur du patrimoine

Table sans pain d’épices à Dijon ? Impensable pour la Fraternité du Pain d’Épices, héritière des faiseurs de douceurs du Moyen-Âge. Le pain d’épices est reconnu “Patrimoine Culturel Immatériel de France” depuis 2022 (sources : Le Monde).

  • La fraternité organise ateliers, animations scolaires, et met en scène la fabrication à l’occasion de la “Fête du Pain d’Épices”.
  • Chaque année, plus de 1 500 tonnes de pain d’épices sont produites à Dijon (source : Défenseurs du Terroir).

Ambiances, anecdotes et coulisses : immersion dans les rites confrériques

La vie des confréries, ce n’est pas qu’une histoire de tableaux d’honneur ou de remise de médailles. Ce sont des rituels hauts en couleurs ! Outre les costumes médiévaux, certaines ont leurs objets symboliques (clé de la cave, bâton du vigneron, cuillère à moutarde géante…), d’autres instaurent de véritables épreuves pour valider l’intronisation.

  • Le serment du Tastevin : former le cercle autour du fût, réciter la formule en vieux français, puis porter le tastevin à ses lèvres.
  • La gougère géante : chaque aspirant doit “croquer la bête” devant public !
  • La Saint-Vincent tournante : procession joyeuse de tous les syndicats viticoles, suivie d’une messe avec bénédiction du vin nouveau.

À chaque fête, la place centrale du village s’habille de fanions colorés, les caves ouvrent leurs portes et les visiteurs se mêlent aux membres en capes. Cela crée des moments où le passé reprend vie, tout en nouant des amitiés solides autour de la table et des souvenirs indélébiles.

Les confréries, moteurs du patrimoine vivant et du tourisme

Au-delà de la fête, les confréries jouent un rôle essentiel dans le rayonnement du tourisme régional. En 2023, l’Office de Tourisme de Beaune a estimé que la Saint-Vincent Tournante générait plusieurs millions d’euros de retombées économiques, entre restaurateurs, hôteliers et artisans locaux (Beaune Tourisme). La médiatisation de ces rituels attire aussi bien les passionnés d’œnotourisme que les familles curieuses, avides de découvertes authentiques.

  • Certains établissements et musées proposent désormais des visites dédiées, des ateliers avec les confréries, et même des intronisations-surprise pour les visiteurs chanceux.
  • Grâce aux réseaux sociaux, de jeunes membres rejoignent aussi les associations, permettant de renouveler les traditions sans les figer.

Perspectives et défis pour demain : entre sauvegarde et modernité

Si les confréries parviennent à susciter un tel engouement, c’est sans doute parce qu’elles conjuguent respect du passé et adaptation au monde actuel. Beaucoup multiplient les actions pédagogiques, dans les écoles, ou lors de festivals ouverts à tous. La transmission intergénérationnelle reste le plus grand défi : pour que la tradition reste bien vivante, il faut ouvrir les cercles, inviter la jeunesse à se réapproprier rites et jeux culinaires.

  • Initiatives récentes : ateliers-dégustations pour enfants, conférences sur l’histoire du vin, concours “jeunes talents” en pâtisserie ou en œnologie, collaborations avec les Youtubeurs du terroir.
  • Valeur ajoutée : au cœur d’une Bourgogne qui attire chaque année plus de 5 millions de visiteurs (source : INSEE), les confréries restent la clé d’une expérience incarnée et humaine.

C’est au contact de ces femmes et ces hommes passionnés, costumés ou non, que la gastronomie et les vins du pays beaunois s’ancrent dans le XXIe siècle, sans jamais renier leur âme. Par-delà l’émotion des grandes fêtes et des banquets, c’est tout un patrimoine immatériel qui se transmet, chaque année, de cave en cave et de marché en marché.

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