Eco-responsabilité et culture : quand les événements inventent de nouvelles pratiques

15 juillet 2025

La culture face à son empreinte écologique : état des lieux

On le sait bien : chaque spectacle, festival ou manifestation populaire génère un impact sur l’environnement. Transports, consommation d’énergie, production de déchets, scénographies éphémères… Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon le guide ADEME, un festival de musique rassemble en moyenne 15 000 à 20 000 festivaliers sur trois jours, générant quelque 20 tonnes de déchets, dont plus de la moitié finissent à l’enfouissement. Le secteur culturel, en France, représenterait 2% des émissions nationales de CO2 — soit l’équivalent du secteur aérien intérieur (Study Arts et Ecologie, 2023).

Face à ce constat, la prise de conscience est massive : artistes et organisateurs, mais aussi collectivités et public, réclament des solutions durables sans sacrifier la magie des rendez-vous culturels. Loin d’être une simple mode, le virage vert de la culture s’ancre dans les statuts mêmes d’une majorité de structures événementielles.

Des engagements concrets, du local au national

Limiter et valoriser les déchets : le défi quotidien

Au-delà du tri sélectif (désormais quasi systématique), nombre d’événements vont plus loin :

  • Interdiction de la vaisselle jetable plastique : depuis la directive européenne de 2021, la plupart des festivals, mais aussi les petites fêtes locales, proposent désormais des gobelets réutilisables, consigné. Cela réduit jusqu’à 80% les déchets plastique liés à la restauration (Ministère de la transition écologique).
  • Ateliers de sensibilisation : balades accompagnées pour ramasser les détritus abandonnés (plogging culturel !), expositions artistiques sur le recyclage ou stands dédiés aux bonnes pratiques zéro déchet.
  • Compostage et dons alimentaires : à l’image de Festivals Solidaires (ex : Le Printemps de Bourges), de nombreuses organisations collaborent désormais avec des associations pour redistribuer les surplus alimentaires ou installer des points de compost collectif.

L’association Réseau des Festivals Bourgogne-Franche-Comté cite ainsi une réduction moyenne de 30% du volume de déchets sur les manifestations accompagnées par des responsables “éco-responsabilité” (Réseau des Festivals Bourgogne-Franche-Comté).

Mobilité douce : le casse-tête événementiel

Le transport représente souvent le premier poste d’émissions pour un événement. Concerts en plein air, expositions en villages, fêtes de village… Les sites ne sont pas toujours desservis facilement, et la voiture individuelle l’emporte encore trop souvent. Pourtant, des solutions originales émergent :

  • Navettes gratuites mutualisées entre communes.
  • Parkings à vélos surveillés, prêts de "vélib’ ruraux".
  • Mise en réseau des plateformes de covoiturage local (on pense à "Mobicoop" ou "Covoit’Festivaliers", actifs dans de nombreux rendez-vous).
  • Encouragement au train pour les grands événements, via des tickets combinés SNCF + entrée (Festival de la BD d’Angoulême, par exemple).

Sur la côte viticole, des initiatives voient le jour comme les balades nocturnes du festival Musique au Chambertin, incitant le public à emprunter les sentiers piétonniers au cœur des vignes. Résultat ? Moins de voitures, plus de rencontres, une autre manière de savourer le territoire.

Énergie : de la sobriété à la créativité

Si la lumière fait la fête, elle consomme aussi ! Certains festivals ont drastiquement diminué leur empreinte énergétique grâce à :

  • Éclairage LED et gestion intelligente (extinction automatique, variateurs selon la fréquentation…)
  • Groupes électrogènes à biocarburant, ou même panneaux solaires mobiles.
  • Programmations d’horaires décalés pour optimiser l’utilisation d’énergie locale disponible (partenariats ponctuels avec des producteurs d’énergie renouvelable).

Un projet pilote en Bourgogne, mené par l’association "Pousses d’Avenir", a permis à la Fête du Vin Nature de Chassagne-Montrachet de fonctionner à 100% en énergie renouvelable sur tout un week-end, grâce à une coopération locale avec des petits producteurs photovoltaïques.

Scénographies durables et sobriété matérielle

Qui a dit qu’on ne pouvait pas rêver grand avec peu ? De plus en plus de spectacles et d’expositions intègrent des matières recyclées, des décors réutilisables ou issus du territoire. Citons :

  • Construction de scènes en bambou ou bois local (exemple : les estivales du Parc du Morvan).
  • Mobilier scénographique basé sur la récupération (palettes, éléments industriels déclassés...)
  • Location mutualisée de matériel entre événements et associations – le parc d’accessoires du Centre Dramatique National de Dijon est régulièrement partagé avec des structures culturelles de la région.

Ce modèle “low tech” encourage la créativité, tout en inscrivant le geste artistique dans une logique d’économie circulaire.

L’exemple du Beaunois : quand terroir rime avec transition

Portée par une conscience aiguë du patrimoine naturel, la région Beaunoise n’est pas en reste. Plusieurs événements locaux montrent la voie, alliant célébration du territoire et pratiques responsables.

Le Festival Musique & Vin au Clos Vougeot : entre arts, convivialité et vignoble préservé

Célèbre pour ses performances intimistes, cette manifestation collabore avec des producteurs bio et privilégie les vins issus de l’agriculture raisonnée, limitant ainsi les transports. Les repas partagés mettent à l’honneur les produits locaux ; les déchets alimentaires sont systématiquement valorisés.

De plus, la logistique privilégie les systèmes mutualisés — on remarque la présence de navettes électriques depuis Beaune et Nuits-Saint-Georges. Le festival participe également à des opérations de plantation d’arbres, avec 1 arbre planté pour chaque 100 billets vendus (source : office du tourisme Beaune).

Les Granges de l’Éco-Concert à Savigny-lès-Beaune : un écolabel en ligne de mire

Chaque été, ce mini-festival s’organise autour d’un objectif : obtenir le label “Événement éco-responsable Bourgogne-Franche-Comté”. Les organisateurs affichent fièrement les chiffres de leur dernière édition : 95% de déchets recyclés, deux food-trucks partenaires engagés dans la lutte contre le gaspillage, toilettes sèches, et une scénographie intégrant les matériaux d’une ancienne grange du village.

Ici, pas de greenwashing mais une expérimentation de terrain, où le public participe activement à la réflexion : ateliers DIY, fresques du climat, conférences sur le développement durable en zone rurale.

Des défis à relever, ensemble

Si l’envie et la créativité ne manquent pas, de nombreux défis persistent :

  • Budget : Les solutions responsables nécessitent parfois un investissement supérieur (achat de gobelets consignés, navettes…). C’est là que la coopération (mutualisation, aides publiques, sponsoring vert) devient précieuse.
  • Formation : Les organisateurs et bénévoles doivent souvent s’approprier de nouveaux gestes et réglementations.
  • Accessibilité : Rendre la démarche attractive et inclusive pour tous les publics, y compris les personnes éloignées du numérique ou non familières des enjeux écologiques, reste un enjeu central.
  • Évaluation : Mesurer précisément l’impact environnemental reste difficile – une majorité d’événements s’en tient encore à des estimations globales. L’apparition de nouveaux outils (Eco-Impact, Bilan Carbone Culture) devrait changer la donne.

Au-delà des chiffres, l’enjeu est aussi de donner envie, en rendant l’écoresponsabilité festive ! Le public, lui, joue plus que jamais un rôle actif : la tendance du “festivalier citoyen” s’affirme, sollicitant des engagements concrets, mais aussi une expérience enrichie.

Inspirations d’ailleurs et perspectives

Difficile de passer à côté de références nationales et internationales qui font bouger les lignes. Les Eurockéennes de Belfort, par exemple, sont pionnières dans la gestion des déchets et la récupération des eaux pluviales pour les sanitaires (“Charte Drastic on Plastic” depuis 2019). Le festival anglais Glastonbury impose un quota de bénévoles dédiés à la sensibilisation environnementale et développe une zone “green fields”, laboratoire d’initiatives innovantes.

En France, les démarches de labellisation (ISO 20121, éco-manifestation) font peu à peu école. De nombreux rendez-vous culturels s'associent à des associations environnementales — parfois avec des artistes “ambassadeurs verts” (Zazie avec MAEVA, Gaël Faye avec la Fondation GoodPlanet…).

La dynamique est lancée, et le secteur culturel peut s’appuyer sur ses atouts : créativité, capacité à mobiliser, sens du collectif. Chez nous, en Beaunois, la transition se fait à taille humaine, dans un esprit de partage et d’expérimentation plutôt que d’injonction. C’est là tout le pari de ces événements durables : inventer un art de vivre et de célébrer, ensemble, respectueux de ce qui nous entoure.

Pour aller plus loin sur le sujet, quelques sources et liens utiles :

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