De la vigne à la fête : quand les traditions viticoles donnent le ton aux célébrations bourguignonnes

11 octobre 2025

L’âme d’une région : la vigne comme fil rouge des festivités

En Bourgogne, la vie défile au rythme de la vigne. Ici, il est impossible de dissocier l’art de célébrer du monde viticole : chaque fête, chaque rendez-vous populaire ou aristocratique, porte en filigrane le sceau du terroir et du vin. Ce n’est pas un hasard si le Pays Beaunois accueille chaque année près de 100 événements liés à la vigne et au vin, fédérant plusieurs centaines de milliers de curieux, touristes ou locaux (source : Comité régional du tourisme de Bourgogne).

Un simple calendrier suffit à s’en persuader : Saint-Vincent, ventes aux enchères, banquets des climats, marathons costumés à travers les crus... tous font du vin bien plus qu’une tradition : un véritable rituel social.

De la Saint-Vincent tournante à la Paulée : chroniques d’une communauté vigneronne

L’origine et la magie de la Saint-Vincent tournante

Née en 1938 sous l’impulsion de confréries viticoles soucieuses d’unir les villages, la Saint-Vincent tournante a essaimé un véritable phénomène fédérateur. Chaque année, un terroir différent accueille la procession et la fête, drapant ruelles et caves de couleurs, d’ornements et de musiques traditionnelles. Une logistique impressionnante s’anime : en 2023 à Couchey, plus de 35 000 visiteurs ont arpenté le village en deux jours (source : Bourgogne Aujourd’hui).

  • Cérémonies religieuses en l’honneur du saint patron des vignerons
  • Dégustations itinérantes avec verre gravé
  • Groupes de cornemuses et chants locaux
  • Costumes traditionnels et reconstitution des vieux métiers

Le vin devient le vecteur du rassemblement, symbole d’une communauté qui revendique autant la convivialité que la fierté d’un savoir-faire transmis de génération en génération.

La Paulée : quand la fin des vendanges devient le prétexte à des banquets savoureux

Moins connue du grand public, la Paulée est pourtant un événement fondamental dans la sociabilité vigneronne. Née dans les villages, elle célèbre la fin des vendanges autour d’un banquet où chaque participant apporte un flacon, dans un esprit de partage et de découverte. Certains domaines historiques, comme Meursault ou Chassagne-Montrachet, en ont même fait des institutions rayonnantes. Paulée veut dire, littéralement, “petite pelle” — clin d’œil à l’outil utilisé pour glaner les derniers raisins —, mais c’est avant tout la grande fête du “vivre ensemble”.

Anectode savoureuse : en 2022, la Paulée de Meursault a réuni plus de 700 convives, dont de nombreux vignerons venus des quatre coins du globe pour s’initier au rituel bourguignon (source : Le Bien Public).

Les rites du vin dans la sphère publique : entre sacré et profane

Cortèges, messes, et bénédictions : le vin, messager spirituel

Les processions viticoles, comme à la Saint-Vincent ou lors des célébrations de la Saint-Jean, présentent une forte dimension symbolique. Le vin — fruit du labeur, du sol, du climat mais aussi de la grâce reçue — est d’abord présenté à l’église pour être béni. Cette alliance entre sacré et profane, encore vivace aujourd’hui, témoigne d’une histoire ancienne où la vigne, mentionnée maintes fois dans la Bible, est symbole de fécondité, de solidarité et ... d’espoir !

  • En 2018, plus de 85 paroisses bourguignonnes ont organisé une messe viticole (source : Diocèse de Dijon).
  • Des bannières brodées, parfois centenaires, témoignent de la fidélité au saint patron.
  • Après la messe, le cortège sillonne le village, précédé d’une fanfare — une tradition dont raffolent petits et grands !

Les ventes des Hospices de Beaune : fusion entre tradition et modernité

Impossible de parler d’identité bourguignonne sans évoquer la célèbre Vente des vins des Hospices de Beaune, qui fête bientôt ses 165 ans. L’événement, qui se tient chaque année le troisième week-end de novembre, attire des amateurs du monde entier — avec en 2023 pas moins de 11 500 participants pour la seule salle d’enchères (source : France 3 Régions).

  • Des records de vente : en 2022, le montant total a dépassé 32 millions d’euros ! (France 3 Régions)
  • Une fête de village géante, avec marchés gourmands, concerts, animations, spectacles de rues…
  • Des visiteurs toujours plus nombreux (jusqu'à 50 000 dans les rues de Beaune sur 3 jours, source Ville de Beaune)

La vente s’accompagne de la “Triquetra” : trois jours, trois banquets — la Paulée, le Chapitre, le Dîner de la veille — qui scellent l’union entre charité, gastronomie, hospitalité et tradition vigneronne.

Marathons, costumes et folklore : la créativité des fêtes bachiques

Les célébrations bourguignonnes n'ont jamais peur d’oser. La part de fantaisie, de déguisement et de jeux populaires traverse bien des rendez-vous, propulsant la vigne au cœur du folklore local.

Le Marathon des Grands Crus : le sport à la sauce bourguignonne

  • Lancé en 2016, le “Marathon des Grands Crus” attire chaque printemps jusqu’à 2 500 coureurs venus parcourir 42,195 km au cœur des vignobles. Le principe ? Courir, mais surtout déguster sur le parcours !
  • Chaque ravitaillement propose un vin différent, accompagné de spécialités régionales : gougères, jambon persillé, fromages de chèvre, etc.
  • Des centaines de bénévoles, habillés en vendangeurs ou figures historiques de la région, animent les étapes.

C’est à la fois un clin d’œil aux marathons pionniers de Médoc et l’affirmation d’une identité bourguignonne propre, décalée et festive.

Costumes, folklore, et transmission intergénérationnelle

Lors de la Saint-Vincent ou des fêtes du vin de village, impossible de manquer la variété des costumes portés avec fierté : tabliers brodés, bérets, habits de confréries comme la Confrérie des Chevaliers du Tastevin (fondée en 1934), ou encore “brassards” bariolés des sociétés locales. Les enfants, eux, apprennent très tôt les chants bourguignons, les pas de danse et l’art du toast à la ficelle — ce clin d’œil amical au pain passé d’un convive à l’autre “par la ficelle” lors des banquets.

Cette transmission orale et gestuelle reste l’un des ciments de l’identité locale : selon une enquête réalisée par le Conseil départemental de la Côte-d’Or en 2019, plus de 70% des habitants affirment avoir participé à au moins un événement viticole dans l’année.

Pérennité des traditions et ouverture sur le monde contemporain

Si les fêtes du vin restent un rendez-vous traditionnel, elles n’en demeurent pas moins ouvertes à l’innovation. Ces dernières années, la dimension écologique, le rôle des femmes dans la viticulture ou la digitalisation des ventes aux enchères se sont invités dans les festivités bourguignonnes.

  • Depuis 2016, la Vente des Vins propose une diffusion en direct sur des plateformes internationales, associant plus de 40 pays interconnectés lors de l’événement.
  • Les associations de vignerons mettent de plus en plus l’accent sur l’agriculture biologique et la préservation du paysage, comme lors de la “Nuit des Climats” (label UNESCO depuis 2015).
  • Des ateliers pédagogiques pour enfants et inititiations à la dégustation “à l’aveugle” sont désormais intégrés aux fêtes — preuve que la tradition se renouvelle et cultive la curiosité des nouvelles générations.

L’esprit du vin, l’esprit du village : une création collective sans cesse renouvelée

Au final, les traditions viticoles ne se contentent pas de façonner des événements : elles irriguent l’imaginaire collectif, colorent le quotidien et forgent ce fameux “esprit bourguignon” à travers le partage, la convivialité et l’amour du terroir. Fêtes intimistes ou rassemblements spectaculaires, toutes rappellent, chaque saison, que la vigne est plus qu’un décor : c’est un art de vivre, une école du lien social, de l’accueil, de l’attention à l’autre.

À l’heure où le tourisme de masse et la mondialisation transforment l’expérience du voyage, la Bourgogne parvient à préserver l’authenticité de ses célébrations grâce à une osmose rare entre patrimoine viticole, créativité et sens de la fête. Partout dans le Beaunois, l’invitation est la même : faire une pause, lever son verre et profiter, ensemble, d’un héritage vivant.

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