Pousser la porte de la Vente des Vins des Hospices : le secret d’une fête bourguignonne hors du commun

20 septembre 2025

Un rendez-vous historique au-delà des enchères : la naissance d’une tradition

Chaque troisième dimanche de novembre, une effervescence unique s’empare de Beaune et des villages alentour : la vente des vins des Hospices de Beaune revient, comme elle le fait presque sans interruption depuis… 1859. Mais pour comprendre tout ce que cet événement représente, il faut remonter bien plus loin, jusqu’en 1443. Cette année-là, Nicolas Rolin, chancelier du Duc de Bourgogne, et son épouse Guigone de Salins fondent l’Hôtel-Dieu pour accueillir les malades pauvres : un geste philanthropique qui changera à jamais la destinée de Beaune.

Très vite, les Hospices se voient offrir des parcelles de vignes, parfois minuscules mais portées par la générosité de familles bourguignonnes. Avec le temps, ce patrimoine viticole devient d’exception : aujourd’hui, il couvre environ 60 hectares, répartis sur 50 cuvées, dont certaines classées en Grands Crus et Premiers Crus, majoritairement en Pinot noir pour les rouges et Chardonnay pour les blancs (source : Hospices de Beaune, hospices-beaune.com).

Quand la solidarité rencontre l’excellence viticole : l’ADN de la vente

Ce qui fait battre le cœur de la vente des Hospices, ce n’est pas seulement la qualité des vins proposés sous la célèbre halle beaunoise. Au fil du temps, l’événement est resté fidèle à son engagement caritatif : chaque euro récolté est destiné à l’amélioration des équipements hospitaliers et à la préservation de l’Hôtel-Dieu, ainsi qu’au financement d’associations caritatives. En 2023, la vente a atteint un nouveau record avec plus de 23,4 millions d’euros collectés (Le Journal du Centre).

La “pièce de charité” (ou “pièce des Présidents”), vendue chaque année au profit d'une œuvre déterminée, symbolise cet esprit solidaire : en 2022, ce lot unique s’est envolé à 810 000 €, un record frôlant des montants dignes de l’univers du luxe international.

Un marché mondial, une fête régionale : Beaune, capitale d’un week-end

Si la vente des vins attire aujourd’hui des acheteurs de Chine, du Japon, des États-Unis ou de Scandinavie, la fête reste avant tout beaunoise : dans les ruelles, sous les halles et sur toutes les places, Beaune vibre au rythme des banquets, défilés et concerts ouverts à tous. Près de 60 000 visiteurs affluent pendant trois jours, soit l’équivalent de dix fois la population locale ! (source : Le Point).

Parmi les traditions incontournables de ce week-end festif :

  • La dégustation des vins primeurs chez les vignerons et négociants, où chacun est invité à découvrir le millésime en cave ou sur des stands dégustation
  • Le défilé de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin et des sociétés vineuses, costumé et haut en couleur
  • Le marché gourmand qui régale avec escargots, gougères et autres délices du terroir
  • Le folklore musical avec fanfares, chorales et artistes locaux

Plonger au cœur des enchères : spectacle, émotions et enjeux

La vente elle-même, orchestrée par Sotheby’s depuis 2005, a abandonné les cris des “commissaires-priseurs à la française” pour une adjudication à l’anglaise ouverte, parfois théâtrale et toujours spectaculaire. À chaque coup de marteau, les émotions sont palpables : familles de vignerons, amateurs éclairés et grandes fortunes rivalisent pour s’offrir un fût de 228 litres des meilleures appellations.

Mais ce qui ne se voit pas toujours, c’est que de nombreux Beaunois suivent la vente à la radio, à la télévision ou sur les réseaux en direct. Les restaurants et bars diffusent les enchères sur grand écran, donnant à la ville des allures de “finale de coupe du monde”.

Quelques chiffres qui donnent le vertige :

  • En 2023, 753 fûts (ou “pièces”) ont été proposés, contre 802 en 2022.
  • Fût le plus cher : un mazis-chambertin grand cru, cédé 350 000 € (source : Vitisphère).
  • Prix moyen du fût en 2023 : 30 839 €.

L’impact se mesure aussi longtemps après : beaucoup de vins sont ensuite élevés, embouteillés et vendus sous le nom des Hospices, poursuivant leur rôle caritatif bien après le week-end festif.

Rencontres et coulisses : la magie côté organisateurs et vignerons

Derrière l’événement, une équipe de permanents et de bénévoles veille au grain : préparer la vente, aménager la Halle, gérer la logistique des visites et assurer la sécurité mobilise des centaines de personnes. L’année dernière, une équipe d’environ 300 volontaires (source : France 3 Bourgogne) s’est relayée pour guider les visiteurs dans les couloirs historiques de l’Hôtel-Dieu.

Du côté des vignerons, la fête a une saveur particulière : certains exploitent la même parcelle des Hospices depuis trois générations. Pour ces familles, la vente est à la fois une vitrine internationale et une réunion familiale, où l’on partage fierté, anecdotes et verres de l’amitié.

Anecdote de vigneron :

En 2022, la cuvée des Dames Hospitalières, vinifiée par la Maison Bouchard Père & Fils, s’est retrouvée en compétition amicale avec une cuvée voisine… vinifiée par un cousin de la famille. Le suspense était à son comble dans la famille jusqu’à ce que chaque pièce trouve acquéreur : en Bourgogne, la convivialité passe avant la rivalité !

L’événement dans l’événement : art de vivre et patrimoine beaunois exaltés

Le succès de la vente ne tient pas qu’au vin et à la charité. C’est l’art de vivre bourguignon tout entier qui s’offre à voir : le patrimoine architectural (avec l’Hôtel-Dieu et ses toits polychromes) attire aussi bien les amateurs d’histoire que les passionnés de photo. Tout Beaune joue le jeu : vitrines habillées de grappes, expositions temporaires, balades gourmandes et visites guidées font vibrer la ville à chaque édition.

Le week-end est aussi un moment fort pour les associations et artisans locaux : la “Fête des Grands Vins” accueille plus de 3 500 visiteurs, la place Carnot devient une scène de festival de saveurs et de rires, et artisans d’art côtoient vignerons autour du savoir-faire régional. Un vrai kaléidoscope de ce que la Bourgogne sait offrir de meilleur.

Échos au-delà de la Bourgogne : pourquoi la vente continue de fasciner

Impossible de refermer ce chapitre sans évoquer la place de la Vente des Hospices de Beaune sur la scène internationale : c’est tout simplement la plus grande vente aux enchères caritative de vins au monde, inspirant New York, Hong Kong ou Genève à organiser des ventes similaires (source : Wine-searcher).

Chaque année, nouveaux records, stars invitées (Brad Pitt en 2023 !), causes soutenues et innovations (comme l’arrivée du e-bidding) entretiennent la magie. Mais rien ne remplace le frisson d’entendre les cloches de l’Hôtel-Dieu, la foule qui s’amasse place de la Halle, et le parfum d’automne qui plane sur les vignes dorées du beaunois pendant ce week-end hors du temps.

Vers de nouveaux horizons : la vente des vins, à la croisée des générations

La vente des vins des Hospices de Beaune n’est pas une simple manifestation commerçante. C’est une alchimie unique : celle d’un territoire où la solidarité, la fierté locale, l’excellence et la convivialité s’y croisent et s’y réinventent, année après année. Autour de la Halle, c’est toute la Bourgogne qui célèbre son identité, réunissant curieux, amoureux du vin, épicuriens, familles et professionnels pour écrire, chaque automne, une page inédite de la fête beaunoise.

La prochaine édition réservera, comme chaque fois, son lot de surprises : nouvelles cuvées, nouveaux visages à l’honneur, causes solidaires innovantes… Saluer la “Reine des ventes de vin”, c’est s’offrir un concentré de Bourgogne dans sa plus belle effervescence.

Une chose est sûre : la vente des vins des Hospices de Beaune sera toujours bien plus qu’une enchère. C’est le cœur battant d’une région, où chaque automne se vit comme une immense fête sensible et collective.

En savoir plus à ce sujet :