La vigne en héritage : l’empreinte de la viticulture sur l’histoire et l’économie du Beaunois

23 octobre 2025

Un terroir d’exception à travers les siècles

Impossible d’évoquer le Beaunois sans parler de ses vignes. Elles font partie du paysage, elles rythment les saisons, elles signent l’identité même de la région. Mais la présence et la célébrité du vignoble beaunois ne doivent rien au hasard : c’est l’œuvre de générations entières, de l’Antiquité à aujourd’hui, et le résultat d’une culture profondément enracinée dans ce coin de Bourgogne. Les premières traces de vigne remontent à l’époque gallo-romaine, comme en témoignent des mosaïques retrouvées à Autun et à Beaune. Au fil des siècles, la vigne va peu à peu supplanter d’autres cultures pour offrir des crus d’exception. Dès le Moyen Âge, l’histoire du territoire s’entrelace avec celle du vin. Les ducs de Bourgogne, puissants mécènes du XIVᵉ au XVᵉ siècle, permettaient à la région de rayonner grâce à leur art de vivre autant qu’à la renommée de leur cave.

  • 52 climats du vignoble de Beaune sont aujourd’hui inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO dans l’ensemble des « Climats du vignoble de Bourgogne » depuis 2015 (UNESCO).
  • 1 800 hectares de vignes couvrent le territoire de l’appellation Beaune et ses alentours.
  • La Route des Grands Crus, créée dès 1937, traverse le beaunois et attire des milliers de visiteurs chaque année.

Du Moyen Âge aux Hospices : le vin, moteur de prospérité

Le vin beaunois n’a pas seulement fait la réputation du territoire : il a construit ses fortunes et façonné sa société. En 1443, Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne, fonde les Hospices de Beaune, grand hôpital pour les plus démunis. Immédiatement, la vigne s’impose au cœur de la mécanique caritative : on offre à l’institution des parcelles prestigieuses (les "pièces"), dont la vente permet de financer soins et travaux.

Le fameux vente des Hospices existe toujours, chaque troisième dimanche de novembre. Il s’agit aujourd’hui de la plus célèbre vente caritative de vin au monde, point d’orgue de la vie beaunoise, événement mondain et caritatif à la fois. En 2023, la vente a atteint 23,2 millions d’euros, un record historique selon Le Figaro.

  • Plus de 50 hectares de vignes sont gérés par l’institution caritative.
  • Près de 800 barriques vendues aux enchères chaque année.
  • Des acheteurs venus du monde entier : négociants, collectionneurs ou simples passionnés.

Derrière la convivialité de l’événement, c’est tout un tissu économique qui s’est développé, des tonneliers aux restaurateurs, des hôteliers aux guides, toute une économie qui gravite autour du vin.

Cave, cour et commerce : Beaune, plaque tournante des échanges

À partir du XIXᵉ siècle, Beaune s’impose comme capitale du négoce bourguignon. Ses célèbres maisons (Bouchard Père & Fils, Patriarche, Albert Morot, Drouhin…) voient dans les caves spectaculaires de la ville le lieu idéal pour l’assemblage, l’élevage et la vente des crus locaux. Le commerce s’organise, l’export commence à s’accélérer, et Beaune devient la vitrine de toute la Côte-d’Or.

  • 350 négociants aujourd’hui recensés dans la région Beaunoise, réalisant près de 60 % des ventes de vins de Bourgogne (source : BIVB).
  • Beaune commercialise du vin vers plus de 170 pays, l’export représentant désormais 50 % de la production locale.

Le négoce, une révolution culturelle et économique

Ce sont ces grandes maisons de négoce qui vont façonner le paysage urbain et économique : elles achètent des hôtels particuliers, participent à la restauration du patrimoine, soutiennent les œuvres sociales. Elles participent aussi à l’essor de la culture œnotouristique avec l’ouverture des caves à la visite et l’organisation de dégustations innovantes (ex. : les parcours thématiques de la Maison Joseph Drouhin dans ses caves médiévales).

La viticulture, dynamique de l’emploi et de l’innovation locale

Le vignoble beaunois, ce sont plus de 400 exploitations sur une vingtaine de communes et près de 2 500 emplois directs dans la vigne et le vin (source : INSEE). Mais l’écosystème va bien plus loin :

  • Des emplois indirects chez les tonneliers, transporteurs, imprimeurs et commerçants locaux.
  • Un enseignement dédié : le prestigieux Lycée Viticole de Beaune forme chaque année plus de 600 élèves aux métiers de la vigne, du vin, de la commercialisation et de l’analyse sensorielle.
  • La recherche et l’innovation avec le Centre interprofessionnel technique des vins de Bourgogne (CIVB), qui travaille sur l’adaptation des cépages face aux changements climatiques.

Des défis et des nouvelles pratiques

Avec les enjeux de transition écologique, le vignoble se tourne de plus en plus vers la certification bio, la biodynamie, la réduction des traitements phytosanitaires. En 2023, près de 20 % du vignoble de la Côte de Beaune était engagé en bio (source : FranceAgriMer).

Des initiatives comme le collectif « vins nature Beaunois » ou des journées portes ouvertes chez les vignerons bios encouragent la découverte et la discussion autour de nouvelles pratiques culturales, qui stimulent l’innovation tout en respectant les traditions.

La fête et la transmission : le vin au cœur de la vie locale

La vigne n’a jamais été qu’une affaire de business dans le Beaunois. Elle façonne la culture populaire et les grands rendez-vous festifs :

  • La Saint-Vincent Tournante, organisée chaque année depuis 1938 dans un village différent de la Côte, réunit des milliers de participants autour des vins du millésime et célèbre la solidarité des vignerons. L’édition 2023 à Corpeau, Puligny-Montrachet et Blagny a rassemblé plus de 80 000 personnes (source : France Bleu Bourgogne).
  • Les fêtes de la Paulée à Meursault ou à Beaune marquent la fin des vendanges, moment fort où l’on remercie ensemble pour l’année écoulée.
  • De nombreux festivals mettent la vigne en scène : le Festival international du Film Policier de Beaune (souvent accompagné de dégustations), Jazz à Beaune, etc.

Les confréries bachiques locales (notamment les Chevaliers du Tastevin, fondés en 1934 et présents au Clos de Vougeot) jouent un rôle majeur dans la transmission des traditions, la valorisation du geste vigneron et la promotion du patrimoine gastronomique.

Le vignoble, moteur du tourisme beaunois

0n ne compte plus les visiteurs venus du monde entier pour explorer les caves, déguster les crus, arpenter les villages vignerons, et comprendre l'art du vin. Le Beaunois accueille près de 2 millions de touristes chaque année (source : Office de tourisme Beaune & Pays Beaunois).

  • Les 70 caves ouvertes à la visite à Beaune et dans les villages voisins proposent des parcours immersifs, des dégustations commentées, parfois même des ateliers d’assemblage.
  • Des sentiers de randonnée, comme le Chemin des Grands Crus, conjuguent plaisir de la marche et découverte sensorielle.
  • Une offre œnotouristique qualifiée et variée : visites privées, balades à vélo au cœur des vignes, escape games viticoles, ateliers d’accords mets et vins…
  • L’imposant Musée du Vin de Bourgogne, installé dans l’ancien Hôtel des Ducs à Beaune, retrace toute l’histoire du vignoble local.

La fréquentation touristique génère un chiffre d’affaires estimé à plus de 300 millions d’euros par an dans le beaunois (Office de tourisme).

Et demain ? Le vignoble beaunois, laboratoire vivant

Racines et avenir : jamais la viticulture n’aura été autant en mouvement dans le Pays Beaunois. Face au réchauffement climatique, aux attentes de « nouveaux » consommateurs et à la mondialisation, les vignerons du beaunois innovent sans renier leurs fondamentaux.

  • Des expériences de cépages résistants à l’eau et à la chaleur sont testées sur certaines parcelles pilotes.
  • Certains domaines misent sur l’agroforesterie (plantation d’arbres dans les vignes) pour préserver la biodiversité.
  • L’œnologie moderne s’appuie dorénavant sur l’analyse scientifique tout en célébrant le « goût du lieu ».

Dans quelques décennies, la vigne continuera de façonner le Beaunois, autant sur ses coteaux que dans ses modes de vie, sa culture, sa créativité. Les portes restent grandes ouvertes aux curieux, aux amoureux du terroir et à tous ceux qui souhaitent découvrir un pan vivant de l’histoire de la Bourgogne… un verre à la main !

Sources :

  • Unesco.org – Patrimoine mondial des climats de Bourgogne
  • INSEE – Chiffres de l’emploi viticole, Bourgogne
  • BIVB – Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne
  • Office de Tourisme Beaune & Pays Beaunois
  • FranceAgriMer – statistiques sur l’agriculture bio en Bourgogne
  • Le Figaro, Hospices de Beaune
  • France Bleu Bourgogne

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